Bienvenue ! Ce blog vous fera partager quelques impressions de photographie, d'architecture, d'histoire...Au fil des mes promenades.
Pour une première description, c'est ici.

vendredi 30 décembre 2011

Autour de deux expositions pour les fêtes, 1. : l'âge d'or hollandais.

La collection Kremer : l'âge d'or hollandais. 



Pieter de Hooch, Homme lisant une lettre à une femme, 1670-1674 (détail). 

Il s'agit d'une exposition de grande qualité organisée à la Pinacothèque de Paris. Les différents genres de la peinture hollandaise y sont présentés (portraits, natures mortes, scènes bibliques, vie quotidienne, marines...) et chaque tableau est une pièce de choix devant laquelle je pourrais rester des heures. 


Judith Leyster, Nature morte à la corbeille de fruits, 1635-1640 (détail)


Adriaen Thomasz Key, Portrait d'un Grand d'Espagne (détail). 

Grande admiratrice de la peinture hollandaise et des Pays-Bas (des photos d'Amsterdam viendront bientôt!), j'étais déjà conquise avant même de voir l'exposition. Mais quand on se retrouve face à ces tableaux, c'est toujours une surprise captivante : quelle lumière!


Rembrandt, Vieil homme en buste avec un turban, 1627-1628 (détail). 


Benjamin Gerritsz Cuyp, Ecrivain oriental taillant sa plume, 1640-1650 (détail). 

Rarement des peintres ont pu atteindre une telle intensité et en même temps de telles nuances dans le traitement des ombres et des lumières. Il y a aussi un rendu précis et vivant des matières et des textures dont j'essaie (modestement) de m'inspirer en photo.


Jacob van Loo, Danaé, 1655-1660 (détail). 

Enfin les portraits transcrivent une humanité et une compassion profondes : on sent une grande confiance en l'homme.


Michael Sweerts, Jeune servante, 1660 (détail). 


Gerrit Van Honthorst, Le repentir de saint Pierre, 1618-1620 (détail). 

Dans cette exposition, j'ai été particulièrement marquée par les scènes de tempêtes de mer. Le rendu de la lumière, de la profondeur, des couleurs fait des ces tableaux des images totalement hypnotisantes, en mouvement permanent. 


Lieve Verschuier, Navires dans une violente tempête, 1650 (détail). 


Aernout Smit, Navires sur une mer déchaînée (détail). 
Il s'agit de détails; les tableaux en version complète sont visibles sur le site de la collection Kremer

Pour compléter cette très belle exposition, j'ai découvert les essais de l'historien et philosophe Tzvetan Todorov, en particulier Eloge du quotidien, essai sur la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Il s'agit d'un ouvrage passionnant dans lequel Todorov présente très clairement les conditions d'émergence de la peinture du quotidien dans les Provinces-Unies du XVIIe. 


A partir de tableaux précis, le livre évoque la naissance de la peinture de genre, une peinture qui met en valeur les gestes quotidiens même les plus banals. Comment expliquer l'apparition du quotidien comme principal sujet d'un tableau? Todorov renvoie tout d'abord au contexte des Provinces-Unies au XVIIIe. Le protestantisme hollandais explique en partie l'attention portée au quotidien, d'une part avec l'iconoclasme qui détache la peinture des sujets religieux, d'autre part avec la valorisation de la vie séculière. Les Provinces-Unies sont également une puissance commerciale attachée aux valeurs pacifiques. Face au monde, place d'argent et de vices nécessaires, la maison, l'intérieur et les vertus domestiques sont ainsi louées. Et par là même, les femmes, gardiennes de cet intérieur vertueux,  sont omniprésentes dans la peinture hollandaise. 


Gerard Ter Borch, Femme pelant une pomme. 

Si la peinture hollandaise du quotidien se focalise sur l'intérieur, un peintre, Pieter de Hooch, s'est attaché à imbriquer extérieur et intérieur, agitation et calme, lumière et ombre. Pour moi, cela donne des tableaux très intéressants en termes de représentation de l'architecture. 


Pieter de Hooch, Garçon avec corbeille. 

Mais Todorov ne se contente pas uniquement d'une analyse historique et contextuelle. Il s'intéresse au sens de cette peinture du quotidien. Au-delà de leur réalisme, les tableaux du quotidien peuvent avoir des résonances allégoriques; les relations amoureuses peuvent être évoquées par les scènes de musique ou de lettres, la consommation d'huitres (réputées aphrodisiaques) suggère quant à elle l'amour physique. 


Jan Steen, Mangeuse d'huîtres. 


Gabriel Metsu, Homme écrivant une lettre. 

Si ces tableaux peuvent avoir une connotation morale, l'ambiguité néanmoins demeure oscillant entre "éloges et blâmes". Le regard des personnages et leur disposition dans l'espace (avec souvent une opposition entre le "centre thématique" c'est-à-dire le personnage principal sur le plan narratif, et le "centre pictural", le personnage mis en lumière par des procédés esthétiques) interrogent le spectateur; ainsi ces tableaux "suggèrent et évoquent, plutôt que d'affirmer directement". 


Gerard Ter Borch, Curiosité : exemple d'opposition entre la jeune femme écrivant, 
centre thématique car au coeur de l'action, et la femme de gauche, centre pictural car sa robe de satin attire le regard.  

Le plus frappant dans la peinture hollandaise est l'amour porté par les peintres au monde matériel et visible. Et en rendant beau le quotidien, les peintres hollandais affirment le pouvoir même de la peinture : "le peintre hollandais ne trouve pas nécessairement le beau dans un répertoire constitué de formes, mais peut décider par lui-même de montrer le beauté d'un geste que personne n'avait magnifié jusque-là".


Johannes Vermeer, Le collier de perles. 

Les peintres hollandais "ont découvert que le beauté pouvait imprégner la totalité de l'existence" : un constat particulièrement réjouissant aujourd'hui !
A noter un autre essai de Todorov, Eloge de l'individu, essai sur la peinture flamande de la Renaissance. Mais c'est une autre histoire...



dimanche 18 décembre 2011

Le pavillon Mies van der Rohe à Barcelone.






Après l'opulence de dorures et d'ornementations de l'Opéra Garnier la semaine dernière, je vous propose de changer radicalement de style avec le pavillon Mies van der Rohe à Barcelone. Je vous en avais déjà donné un petit aperçu dans le premier article. Lors d'un séjour à Barcelone il y a quelques années (d'autres photos du patchwork architectural barcelonais viendront bientôt...), j'avais été marquée par cet édifice aux lignes très pures. C'est une architecture qui évoque un espace ouvert, frais, méditerranéen (par l'utilisation du marbre notamment). C'est un lieu de recueillement, de quiétude, un peu pétrifié aussi. 






Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) est un architecte allemand que l'on peut situer dans la nébuleuse du modernisme (Le Corbusier, Gropius et école du Bauhaus dont Mies van der Rohe occupe la fonction de directeur de 1930 à 1933 avant d'émigrer aux Etats-Unis). Son style se caractérise par la recherche d'une architecture dépouillée construites autour de lignes de forces visibles. Pour cet architecte "Less is more", la sobriété décorative faisant ressortir la structure de l'édifice, le vide met en valeur le tout.




Ce pavillon a été construit pour représenter l'Allemagne à l'exposition universelle de Barcelone en 1929. Comme beaucoup de constructions temporaires, le pavillon a été détruit à la fin de l'exposition. Mais son impact dans l'histoire de l'architecture fut tellement important, que le pavillon est reconstruit fidèlement en 1981-1986 et se visite encore aujourd'hui (il y a sur le site de la fondation des photos de détail intéressantes). Après cette expérience, Mies van der Rohe construira un autre édifice célèbre et similaire : la maison Tugendhat de Brno (1930). On y retrouve les mêmes grandes baies vitrées horizontales qui assurent la transparence et la fluidité entre intérieur et extérieur. 




Le pavillon de Barcelone est un édifice tout en longueur composé d'éléments rectangulaires, deux constructions ouvertes et deux bassins. Les parois externes sont vitrées alors que les murs internes sont en marbres colorés. La structure est soutenue par huit poteaux cruciformes en acier. Le tout forme un ensemble de lignes droites dynamisées par le contraste horizontal/vertical. 




J'aime particulièrement l'utilisation simple des matériaux (marbre, travertin, onyx, acier), sans ornementation. De plus, les matériaux projettent leur couleur dans tout l'espace formant des grands plans colorés. L'espace interne est animé par ces jeux de couleur avec des transparences et des reflets métalliques et minéraux. 







L'édifice crée une impression forte d'espace sans délimitation où l'intérieur et l'extérieur, la verticalité et l'horizontalité, la transparence et l'opacité se confondent. 



Sur cette photo on voit les fauteuils dessinés par Mies van der Rohe pour l'exposition, 
les "fauteuils Barcelone" reproduits en série et devenus par la suite de célèbres objets de design. 

Ces effets sont amplifiés par la présence des deux bassins. La rigueur apaisante du bassin extérieur me plait beaucoup. 




Le bassin interne présente la statue "le Matin" par Georg Kolbe considérée par les spécialistes comme une référence à l'ordre classique sur lequel s'appuie la réflexion de Mies van der Rohe. Cette sobriété était à l'époque souhaitée par les commanditaires pour représenter la république de Weimar : "clarté, simplicité, honnêteté" (Georg von Schnitzler, commissaire de la représentation allemande). 




Après la chaleur et le velours rouge de l'opéra Garnier la semaine dernière, j'espère que ces photos estivales du pavillon Mies van der Rohe vous auront rafraichi ! Pour ceux qui me suivent, je resterai sur la base d'un billet publié par semaine. Le second épisode de la série des photos de Bordeaux arrive bientôt !

dimanche 11 décembre 2011

Opéras et théâtres : l'Opéra Garnier un soir d'Onéguine





Cliquer sur les photos pour le diaporama






Onéguine.
Vendredi soir avait lieu la première d'Onéguine, un ballet néo-classique de John Cranko (1965, ballet de Stuttgart) sur une musique de Tchaikovski et d'après un roman de Pouchkine. Je vous recommande vivement ce ballet pour les fêtes. Les éléments narratifs sont suffisamment épurés pour laisser toute sa place à la danse. La chorégraphie, magnifique dans les pas de deux, exalte la mélancolie et la fougue amoureuse. Il est rare que la danse réussisse à exprimer autant de nuances dans la psychologie des personnages. Les décors font un peu carton-pâte, mais les ambiances de lumières et de couleurs nous placent tout de suite dans la lignée du romantisme, comme dans un tableau de Caspar Friedrich.



J'ai profité de ma place pour photographier l'intérieur de l'Opéra Garnier. L'extérieur fait toujours son effet en s'insérant bien dans l'espace haussmannien (par ses proportions et la choix de la polychromie qui réhausse les couleurs grises du carrefour) mais manque d'harmonie selon moi. Malgré l'abondance décorative, la structure extérieure reste néanmoins très lisible : les formes extérieures reflètent bien les différentes fonctions intérieures. L'intérieur est tout aussi chargé mais la richesse des détails et les jeux d'illusion créent une atmosphère onirique et enveloppante.




En attendant le spectacle.
L'opéra est une commande de Napoléon III après l'attentat d'Orsini en 1858. La construction de l'Opéra s'insère donc dans le projet haussmannien visant à ordonner et sécuriser l'espace parisien. La commande est confiée au jeune architecte Charles Garnier, élève de l'école des Beaux-Arts, qui y créa un style aux décorations luxuriantes, propre au Second Empire.



Le plafond actuel a été commandé par André Malraux au peintre Marc Chagall en 1964. Je trouve que le contraste entre les dorures de cette salle à l'italienne et la fraicheur du style de Chagall est particulièrement réussi.





J'aime particulièrement le moment précédant le spectacle, il y a une sorte d'effervescence contagieuse.
Pour se remettre dans l'ambiance, imaginez sur ces photos le son des instruments qui s'accordent. 








Durant l'entracte.
L'entracte est l'occasion de flâner dans le grand escalier et les foyers. Ces espaces de déambulation sont une innovation de Charles Garnier car ils étaient traditionnellement traités de manière utilitaire. Garnier au contraire en fait une continuation du spectacle. L'escalier s'articule autour d'une galerie ouverte entourant un vide que l'on peut retrouver également dans les Grands magasins de l'époque. La déambulation des spectateurs y crée un mouvement permanent.



Dans les foyers, tout est fait pour prolonger l'illusion du théâtre et troubler les sens : jeux de miroirs, trompe-l'oeil, juxtaposition de matières différentes, polychromie, contraste entre les échelles...




Grand Foyer.



Le salon de la Lune.

J'ai été surprise par l'atmosphère des deux salons (salon de la Lune et salon du Soleil) précédant le grand foyer. Les jeux d'illusion sont poussés à l'extrême et l'homogénéité chromatique de chaque pièce est totalement envoûtante.


Le salon du Soleil. 

Le grand foyer est directement inspiré de la galerie des glaces de Versailles. Les fresques sont signées Paul Baudry et représentent des allégories de la musique, de la tragédie et de la comédie.



Les fresques se reflètent dans l'horloge mensuelle du grand foyer.



Buste de Charles Garnier :



Et un buste bien étrange dont je n'ai pas encore percé le mystère...




Le rideau est tombé...
Et c'est toujours un étrange retour à la vie réelle. Pour finir, quelques photos en noir et blanc qui vont de l'intimiste à l'horreur donnant une toute autre image de l'Opéra.





Les masques du grand vestibule accueillent les spectateurs à leur sortie :








Opéra et architecture. 
J'espère vous montrer bientôt l'intérieur du Grand Théâtre de Bordeaux et du Théâtre des Champs Elysées. Les lieux de spectacle sont pour moi une sorte de laboratoire architectural : l'architecture est en quelque sorte mise en scène, les jeux de mise en abyme et d'illusions sont nombreux, la scène en elle-même est un théâtre d'architecture. J'ai hâte de vous faire partager ces lieux qui me transportent à chaque fois!